Université Pierre et Marie Curie

Systèmes d'exploitation des ordinateurs

Chapitre 1. Les systèmes d'exploitation
1.1. Définition du système d'exploitation
1.2. Quelques exemples de systèmes d'exploitation
1.3. Evolution des systèmes d'exploitation
1.4. Unix
1.4.1. Historique
1.4.2. Principes généraux
1.5. Windows
Chapitre 2. Mécanismes d'exécution et de communication
Chapitre 3. Gestion des activités parallèles
Chapitre 4. Gestion des fichiers
Chapitre 5. Partage des ressources
Chapitre 6. Au-dessus du système d'exploitation
Chapitre 7. Notions sur les communications
Chapitre 8. Notions sur la sécurité
Bibliographie
Chapitre 9. Exercices et TPs
Examens
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1.4.1. Historique

En 1969, ATT abandonne le projet MULTICS de système multi-utilisateurs en temps partagé, développé conjointement avec General Electrics et le MIT : les performances sont décevantes, bien qu'une machine spéciale ait été développée avec des circuits électroniques spécialisés. GE continuera avec Honeywell Bull, ce qui fait qu'étrangement, le projet survivra en France : à l'époque Bull est une filiale de HB qui tentera donc de vendre des machines Multics à travers sa filiale. Ainsi un appel d'offre du Ministère de l'Education Nationale aboutira en 1985 au choix de Multics pour équiper les centres de calcul régionaux, centres de puissance intermédiaire entre les centres nationaux et ceux qui existent sur les campus. Multics disparaîtra vers le début des années 1990 sans avoir vraiment répondu aux demandes de ses utilisateurs. La complexité des circuits électroniques supplémentaires à développer et mettre en œuvre, la médiocrité des performances de ces matériels, l’apparition et la montée en puissance rapide des micro-processeurs expliqueront cet échec.Ken Thompson, Dennis Ritchie, Brian Kernighan, chercheurs au département informatique de Belles labs, le laboratoire de recherche de ATT, réfléchissent dès le début des années 1970 à un projet moins ambitieux et commencent à développer un système interactif pour un utilisateur unique, sur un vieux PDP7 de Digital Equipment qui ne sert plus au laboratoire. Par opposition, et pour marquer son usage réduit à une seule personne, ils le baptisent Unix. Il est inspiré de Multics, notamment pour les shells de commande et le système de fichiers.Pour accélérer le développement et limiter le recours au langage assembleur qui ralentit considérablement le développement ils mettent au point un langage qui aboutira au C. La première version d'Unix écrite en langage C verra le jour en 1973. Ce point est déjà révolutionnaire : à l'époque les systèmes d'exploitation sont presque toujours écrits en assembleur, ce qui rend plus difficile toute modification et évolution. Unix est donc, dès le départ, un système très adaptable et ajustable par les informaticiens qui le mettent en œuvre. Ce sera la première raison de son succès auprès des spécialistes qui ont enfin à leur disposition un système qu'ils peuvent modifier et adapter à leur gré et avec lequel ils peuvent expérimenter. Le premier portage intégral sur une autre machine est réalisé en 1977. ATT qui ne croit absolument pas en l'avenir commercial de ce système propose les sources gratuitement aux universités. Au début des années 1980, on me proposait lors de mes passage au laboratoire de Bells labs à Murray Hills, les sources du système pour les adapter à l’ordinateur de mon laboratoire à Paris.Ce sera l'origine de développements divers dont le plus réussi sera celui de l'université de Berkeley en Californie. Il aboutira à une ligne distincte de celle de ATT qui fait qu'aujourd'hui on parle de Unix System V ATT et Unix BSD. Unix s'enrichit alors d'utilitaires de plus en plus nombreux, chaque ligne reprenant rapidement les avancées de l'autre. Ainsi la gestion de la mémoire virtuelle est implantée d'abord dans BSD puis reprise par ATT. Rapidement BSD incluse les sockets, une des grandes réussites d’Unix, car il introduit le réseau au cœur du système. System V.4 en 1989 et BSD 4.3 en 1986 réalisent une certaine convergence, d'autant que les constructeurs qui commencent à s'intéresser sérieusement à ce système, ajoutent les fonctionnalités des uns et des autres et n'hésitent pas à acheter des licences à leurs concurrents, comme la gestion des fichiers en réseau NFS de Sun. Ceci aussi est révolutionnaire. Auparavant chaque industriel a développé seul sa solution, ne recherchant pas la convergence. Les plus puissants, IBM, DEC… imposent leurs solutions aux autres qui doivent ajouter des passerelles pour communiquer avec leur monde. Tous, par exemple, proposent les outils nécessaires pour communiquer entre ordinateurs aux protocoles SNA (IBM), DECNET…Le succès d'Unix tient à plusieurs causes :

  1. Les universités américaines, notamment Berkeley, qui forment la masse des spécialistes dont les entreprises ont besoin, l'emploient massivement. Unix est économique puisqu'il est gratuit. Le système est ouvert puisque les sources sont disponibles et donc peut être facilement expliqué aux étudiants qui peuvent même, à titre de travaux pratiques, le modifier à loisir puisqu'il est écrit en langage évolué. Les ingénieurs, formés dans ces universités, sont enclins à l'employer dans leur vie professionnelle.Le début des années 1980 voit l'apparition des processeurs intégrés. Des start-ups créent des machines basées sur cette nouvelle technologie. Electroniciens de génie, leurs fondateurs n'ont ni les moyens humains ni financiers, pour développer un système d'exploitation multi-utilisateurs. Unix est donc un choix aisé et économique. Sun est l'exemple même de ces nouveaux acteurs  dans le monde très fermé de l'informatique qui est alors dominé par quelques poids lourds, IBM en tête, qui représente alors 70% du marché. Son concurrent immédiat, Digital, pèse 15% environ et leurs systèmes d'exploitation propriétaires règnent en maîtres sur le marché. Il faudra attendre la fin des années 1980 et la montée en puissance des processeurs pour que les grands réalisent qu'ils sont attaqués sur leurs propres terres: des stations de travail apparaissent, capables de réaliser la plupart des fonctions réservées jusqu'alors aux grosses machines. IBM réagira, de façon laborieuse vers 1987 et, après une tentative ratée, aboutira en 1990 au RS6000 avec sa propre version d'Unix : AIX. Etrangement   DEC qui avait écrit assez tôt sa propre version d'Unix, Ultrix, hésitera toujours à la vendre. Ce retard lui sera fatal puisque cette compagnie sera absorbée par Compaq en 1998.
  2. Les ingénieurs informaticiens accueillent favorablement ce nouveau système d'exploitation qui leur permet en partie d'échapper aux dictats des constructeurs. Unix tourne sur une grande variété de plates-formes, ce qui rend plus aisé le portage des applications. De plus Unix est le premier système à intégrer complètement les communications. N'oublions pas que Sun signifie Stanford University Network. Les créateurs de cette société, anciens universitaires ont été des acteurs majeurs dans la mise en place d'un réseau de campus, basé sur des machines Unix. Stanford est en face de Berkeley, de l'autre coté de la baie à San Francisco. L'existence de langages propres (les shells) puissants, qui permettent rapidement de développer de nouvelles fonctions séduit les informaticiens.  N'oublions pas qu'à l'époque, dans le milieu des années 1980, les fonctions intégrées des systèmes sont encore assez frustres. Dans chaque centre de calcul les informaticiens sont amenés à en développer de nouvelles pour leurs utilisateurs. Les shells Unix sont redoutablement efficaces.

Face à ces nouvelles exigences des utilisateurs, les constructeurs vont se regrouper pour essayer de s'accorder sur un standard et permettrent d'améliorer la portabilité des applications. Ceci aboutira au regroupement de la plupart d'entre eux dans le consortium X-Open où se retrouvent deux groupes antérieurs, ARCHER mené par IBM et OSF (Open System Fundation) mené par IBM et Digital. Il aboutira à définir Posix (Portable Operating System for Computer Environnement) basé sur le noyau MACH de l'université Carnegie Mellon après avoir failli être celui d'AIX d'IBM.On n'aboutira jamais à une convergence totale, chaque constructeur ajoutant ses propres améliorations. Néanmoins certains standards émergeront comme le système X-Window pour l'affichage, CDE (common Desktop Environment) qui permet d'avoir une présentation identique que l'on travaille sur les machines d'un constructeur ou d'un autre... D'autres fonctions, bien que non intégrées dans Posix, deviennent des standards de fait comme NFS (network files system)…

Unix aujourd'hui

Le dernier acte va se jouer dans la deuxième moitié des années 1990. La montée en puissance des micro-ordinateurs permet alors d'envisager le portage d’Unix sur ces plates-formes. Plusieurs réalisations commerciales verront le jour comme Unix SCO et elles fonctionnent de façon tout à fait satisfaisante. En 1991 un étudiant norvégien de l’université d’Helsinki, Linus Thorwald développe, à titre de hobby,  sa propre version réduite de Unix, , Linux, et la met dans le domaine public en 1994 par l'intermédiaire du GNU, la free software fundation. Cette institution permet de mettre à disposition des logiciels, avec leurs sources, gratuitement. Chaque auteur autorise la diffusion, la reproduction, la modification de ce qu'il y dépose. Le GNU permet même la commercialisation des applications, les entreprises s'engageant seulement à respecter les règles que nous venons d'évoquer. Ces principes vont être à la source du succès de Linux puisque le noyau initial, frustre et assez bogué, va se voir enrichi et amélioré par de nombreuses contributions. Des entreprises, comme RedHat, vont se spécialiser dans la mise en forme et la distribution de versions, plaçant tous leurs efforts  dans la mise au point de procédures d'installation aisées. Elles vont fournir aux entreprises le support logiciel qu'elles réclament, de la même façon qu'un constructeur le fait pour son système propriétaire. A partir de 1997 les grands développeurs vont commencés à s'intéresser à Linux : le système est fiable, représente le premier vrai multi-tâches disponible sur PC et symbolise pour eux, comme pour les utilisateurs, la première alternative sérieuse pour échapper aux dictats de Microsoft.Qu'en est-il aujourd'hui?Unix est le seul système multi plates-formes puisqu'il fonctionne aussi bien sur un PC que les machines géantes vectorielles (Cray, NEC, Fujitsu…) ou massivement parallèles (SGI, IBM…). Certes les Unix ne sont pas rigoureusement semblables, les systèmes de fichiers sont incompatibles mais la portabilité des applications est facilitée. De plus l'utilisateur retrouve sensiblement le même environnement, les ingénieurs la même structure de systèmes : ni les uns ni les autres n'ont besoin d'une formation intense pour passer d'une machine à une autre.En dépit des déclarations de Microsoft, Unix est le système le plus répandu sur les serveurs. Certes, en nombre, cela représente une minorité de machines, face à l'explosion des postes personnels, mais cela représente une catégorie d'ordinateurs fondamentale pour le traitement de l'information. La plupart des serveurs Web fonctionne sous Unix, et les plus importants en particulier. Les performances de Windows NT sont encore très loin de celles d'Unix. Enfin , en terme d'efficacité transactionnelle, de sécurité, de fiabilité, la plupart des spécialistes s'accordent sur la supériorité d'Unix.Qu'en sera-t-il demain?Les prévisionnistes s'accordent sur le fait que Unix continuera à dominer dans le monde des gros serveurs. En ce qui concerne les petits, pour les postes personnels la domination de Microsoft est indéniable. Il est cependant attaqué par Linux auquel les constructeurs et les développeurs s'intéressent de plus en plus. Des alternatives apparaissent même pour le traitement de texte et la bureautique face à Office, le produit phare de Microsoft. Sun vient de racheter Star Office, qui peut comprendre des fichiers Word, et l'a mis dans le domaine public.Néanmoins il est très prématuré de penser que Linux sera l'alternative à Microsoft. Ce constructeur restera dominant longtemps encore.


Copyright Y. Epelboin, 2001 université P.M. Curie, MAJ 18 mars, 2006
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